Gilles Loison et Jean-Pierre Pellissier préparant leurs interventions lors de la journée hommage du 22 novembre 2003.
 

Gilles LOISON

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Gilles LOISON a fait paraître en septembre 2006 une biographie de François de Roubaix, en collaboration avec Laurent DUBOIS. L'entrevue ci-dessous détaille les ambitions de ce livre alors qu'il n'en était encore qu'à l'état de projet, bien avancé toutefois.

Propos recueillis par Alex MAS en décembre 2003.


En quoi consiste «exactement» ton projet de biographie sur François de Roubaix ?
La finalité du projet est l’édition d’un livre comprenant une continuité biographique à laquelle se mêle une filmographie dans l’ordre chronologique. Ce livre sera augmenté d’annexes présentant une discographie des vinyles, de rares interviews de François, des photos sous-marines devant servir au livre que préparait François et, enfin, un lien avec le temps présent et la découverte de la musique de François par une nouvelle génération, aussi bien de fans que de musiciens, les rééditions de CDs, les sites Internet…


Depuis quand travailles-tu sur ce projet ?
Depuis 1995. Tout a vraiment commencé avec l’interview de Jean Dewever en novembre (Jean Dewever est surtout connu pour avoir réalisé 'Les oiseaux rares', feuilleton mythique de 1969 et le téléfilm 'Le ballot' en 1974. Il a fait un gros coup cinématographique dans les années 50 en réalisant un film provoc' sur la dernière guerre : 'Les honneurs de la guerre', ce qui lui a valu des insultes et des bagarres à n'en plus finir partout où il allait présenter son film).


Qu’est-ce-qui a déclenché ou motivé ce travail ? La personnalité de F2RBX ou l’aspect particulier de sa musique ?
Fan de De Roubaix depuis l’âge de 15 ans, je me suis constitué une petite banque sonore de ses musiques. J’avais, bien sûr, acquis les deux premiers volumes Barclay qu’avait réalisés Jean-Pierre Pellissier. Ces disques ont représenté pour moi un émerveillement permanent pendant de longues années. Je relisais régulièrement les textes de Pascal Jardin, Françoise Xenakis et de François lui-même. A l’écoute de certaines musiques, je me posais des questions du style : «Mais quel est ce trompettiste virtuose qui exécute la mélodie de “L’homme orchestre” avec tant de brio ?». Puis je suis devenu graphiste par hasard, au début des années 90 et, pendant un creux dans cette activité professionnelle, je cherchais à m’occuper. J’avais déjà posé les bases d’une banque de données sur la musique de films mais la carrière et le destin de François me préoccupait toujours autant. Et, d’un seul coup, il y a eu un déclic : pourquoi ne pas faire un livre sur François ?


As-tu déjà écrit d’autres bio ou livres ?
J’écris depuis l’adolescence des textes divers et variés, teintés pour la plupart d’humour et de dérision. Je commençais un roman toutes les semaines dont j’arrêtais aussitôt l’écriture après deux pages. Ces exercices ont eu au moins le mérite de m’aider à peaufiner un style au cours des années. C’est donc la première fois que je vais voir aboutir un long travail d’écriture.


Quand penses-tu terminer cette bio ?
J’ai terminé la rédaction de la version courte de la biographie. Cette version est utilisée comme une présentation de l’ouvrage auprès des éditeurs potentiels. J’entre maintenant dans la phase d’écriture de la biographie intégrale. J’écris assez vite mais il faut encore compléter certains témoignages des amis et de la famille de François, ce qui implique un planning d’interviews pour les mois qui viennent. Si tout se passe bien, il serait possible de terminer pour la mi-2004. Dans tous les cas, la date butoir pour l’édition de l’ouvrage est novembre 2005.


Quelles sont tes sources et tes contacts ?
Le tout premier contact qui m’a permis d’approcher d’un peu plus près l’univers De Roubaix, c’est Stéphane Lerouge que je tiens à remercier encore une fois. J’ai pu, grâce à lui, assister à plusieurs séances de mastering, notamment pour le double CD EMI Odéon puis les anthologies. J’ai ensuite commencé à contacter les réalisateurs qui ont travaillé avec François et, de fil en aiguille, j’ai pu rencontrer les parents de François, puis sa soeur et ses proches.


Que pense la famille de Roubaix de ce projet ?
Ce travail est accueilli avec enthousiasme par Patricia et Benjamin de Roubaix, les enfants de François. Patricia a déjà fait beaucoup pour la réédition sur CD des principales musiques de son père. Benjamin attend avec impatience la parution d’une biographie puisque, jusqu’à présent, les amis proches de François, toujours bloqués par l’émotion, refusaient de le rencontrer. Les parents et la soeur de François sont très heureux de l’existence d’un tel travail.


Intervient-elle dans l’écriture ou la conception de la bio autrement qu’en apportant de la documentation ?

Pas d’intervention pour l’instant. Mais, comme me l’a souligné Yves Josso (ami de François), il sera très utile de faire relire cette biographie à quelques proches pour éviter toute erreur se rapportant à François, sa personnalité et son parcours.


Es-tu seul à travailler sur ce projet ?
Nous sommes actuellement deux sur ce projet. J’ai commencé en 1995 et un autre fan du Nord, Laurent Dubois, avait lui aussi démarré un projet sur François en 1998. Nous nous sommes rencontrés en 2000 et avons décidé d’allier nos efforts.


A plusieurs, comment se répartit le travail ( recherche, écriture...) ?
Le travail de recherche se fait conjointement. Laurent a toutes les qualités d’un enquêteur puisqu’il retrouve beaucoup de réalisateurs dont on avait perdu la trace. Il peut ainsi obtenir des photos de tournage et, en général, une copie VHS des œuvres qui nous intéressent. Il est également en relation avec certains organismes pour lesquels François a fait des musiques (SCMA, SNCF, PTT…). Pendant deux ans, il n’a eu de cesse de ‘traquer’ les artistes qui ont collaboré avec François. J’ai, de mon côté, fait des recherches et rencontré plusieurs réalisateurs. J’ai également ‘écrémé’ le web pour recueillir des infos, ce qui m’a permis de trouver à San Francisco une copie VHS d’un film rare et obscur, ‘Touch me not’, dont la vedette est Lee Remick. De plus, j’ai l’immense chance de pouvoir consulter, grâce à Patricia de Roubaix, les archives photos et sonores du compositeur. J’ai pu ainsi constater que la filmographie de François allait bien au-delà de ce que nous connaissions déjà. Pour finir, je m’occupe de la rédaction finale et de la maquette de l’ouvrage.


Peux-tu nous donner une idée de ce que sera le produit fini (100, 200 ou 300 pages, type de bouquin, format,...) ou de ce que tu souhaiterais obtenir ?
Dans l’idéal, nous aimerions produire un ouvrage d’environ 400 pages mêlant biographie, filmographie et annexes, sur un papier permettant la reproduction de photos, dans un format approchant le A4 (21 x 29,7 cm). Un ouvrage ressemblant un peu aux productions des éditions du 8e art (Chapeau melon, Amicalement vôtre…). La cerise sur le gâteau serait d’y adjoindre un CD audio rempli de maquettes, de musiques de courts-métrages, de quelques extraits d’interviews…


As-tu des éditeurs en vue ?
Nous avons la possibilité de faire partie d’une collection sur la musique de film co-financée par le Fonds d’action Sacem, dans une version réduite présentant uniquement la biographie sur 190 pages. Nous avons par ailleurs quelques contacts pour un co-financement de l’ouvrage dans la forme que nous souhaitons.


Quelle audience penses-tu atteindre ?
D’abord deux générations de fans : la première représentant ceux qui ont découvert François dans les années 70, ce qui est mon cas ; la deuxième est composée de fans plus jeunes qui ont connu la musique de François grâce aux rééditions CD et aux sites Internet. Et puis, bien sûr, beaucoup d’amis de François qui ne connaissent qu’un aspect de sa vie et de son travail.


Cette bio sera-t-elle traduite dans d’autres langues ?
Nous espérons qu’il existera au moins une version anglaise destinée, notamment, aux fans japonais qui vouent carrément un culte à la musique du cinéma français des années 60 et 70.


Sur quels types de projets peut déboucher un travail comme cette bio ? (films, documentaires, base historique...)

Cette bio pourrait essentiellement servir de base pour des documentaires, par exemple. Mais l’ouvrage complet sera une source de documentation sur une partie de la production cinématographique française et mettra en relief, entre autres, l’importance du film institutionnel avec les productions du Centaure et du SCMA (Service Cinéma du Ministère de l’Agriculture).


As-tu possibilité de recevoir des aides du ministère de la culture pour ce travail de compilation et d’archivage ?
Ce travail est plutôt lié à une partie du patrimoine d’un éditeur de musique et des descendants de François. Je ne pense pas que l’Etat puisse actuellement y participer, de quelque manière que ce soit.


As-tu des sponsors (labels disques,...) ?
Aucun sponsor puisque ce projet n’est pas connu et que nous n’avons fait aucune démarche en ce sens.


Existe-t-il d’autres projets sur FRBX (Emissions TV, radio, films, documentaires...) ?
Il existe des projets de documentaires en gestation depuis quelques années.


Si oui, es-tu en rapport avec les personnes qui travaillent sur ces projets ?
Pas encore, mais cela ne saurait tarder.


Quand et comment as-tu découvert F2RBX ? Emissions TV ou radio, films, disques...

Quand j’ai eu 11 ans, mon père m’a offert un mini-cassette. Passée la période où l’on s’enregistre les uns les autres pour rigoler un peu, le micro s’est dirigé tout simplement vers le haut-parleur de la télé. J’enregistrais quelques chansons du ‘Ring Parade’ (!) puis rapidement des génériques de films et de séries télé. Tout naturellement, les musiques de François ont été captées, parmi d’autres.


Quels disques as-tu achetés ?
Mon premier disque de musiques de films, c’était le volume 1 Barclay des musiques de François. Le 2 et le 3 ont suivi. Quand je suis revenu sur Paris au début des années 80, j’ai pu acquérir quelques 45 tours. Mais j’ai vraiment commencé à m’intéresser aux disques parus au moment où j’ai décidé de commencer une biographie.


Quels étaient les disques disponibles et les sources d’information ou de documentation sur de Roubaix à l’époque ?
Tous les disques étaient disponibles, à condition de courir les conventions avec un portefeuille bien rempli. Je n’ai pas énormément investi de ce côté-là. Le seul 33 tours ‘rare’ que je possède, c’est ‘Tante Zita’. Quand aux documents, je connaissais l’existence de l’interview accordée en mars 1975 à Jacques Guiod pour le magazine ‘Ecran’, que je me suis procuré. Et puis, il y a les films dont j’ai commencé à acheter des copies VHS.


As-tu effectué des enregistrements sonores d’émissions radio ou TV ? Lesquelles ?
Bien sûr. D’abord avec mon mini-cassette puis j’ai acheté un magnétophone à bandes. Je me faisais un planning d’enregistrement en me basant sur le programme télé. On y trouvait généralement le nom du compositeur pour la plupart des films diffusés. Quand ce n’était pas le cas, je déclenchais le magnéto au hasard. J’ai ainsi pu capter le générique d’un des épisodes de la série ‘Les cinq dernières minutes’ : ‘Tarif de nuit’. De plus, ne travaillant pas la journée, je suis tombé sur des trésors comme ‘La redevance du fantôme’. Pour finir, un autre après-midi, j’ai eu un grand pincement au cœur en voyant François bouger devant mes yeux et jouer du claviharp au détour d’une courte scène d’un film de Pierre Jallaud : ‘La chaise vide’.


Est-il exact que F2RBX a composé des musiques pour des pubs ? Lesquelles ? Sont-elles intéressantes ou simplement anecdotiques ?
François a travaillé sur des films publicitaires tout au long de sa vie. Cela représentait un challenge et un vrai travail d’humilité puisque le montage final de la musique était assuré par son vieux complice Bruno Zincone. Là-encore, les idées thématiques foisonnent et François a pu, également dans ce secteur, continuer à expérimenter sa recherche de sons.


Ces musiques de pub seront-elles un jour éditées sur CD ?
J’aimerais en faire connaître quelques-unes dans un CD bonus lié au livre que nous préparons. Mais ces musiques pourraient très bien faire partie d’une collection thématique.


Le volume 3 de F2RBX (premières parutions en 33t) compile principalement des musiques de recherche ou des maquettes. L’aspect électronique de ces musiques t’intéresse-t-il plus que l’aspect plus classique de ses B.O. à base d’instruments dits “traditionnels” ?
Le volume 3 contient, en fait, beaucoup de musiques liées à des œuvres exploitées, notamment des moyens métrages comme ‘Le cubisme’ et de larges extraits de la musique refusée par Cousteau pour son film ‘L’antarctique’. Ce qui m’intéresse le plus chez François, c’est son écriture spécifique dont l’une des caractéristiques est ce changement constant de tons. Dans l’ensemble, je suis plus ‘acoustique’ qu’’électronique’. Mais François est l’un des très rares compositeurs chez qui je tolère l’utilisation des sons synthétiques car il les manie de manière merveilleuse. Il arrive à insuffler une vraie émotion à cette technologie. La musique de ‘Comment ça va j’m’en fous’, et surtout la séquence de l’atelier, me donne à chaque fois le frisson car, dans sa forme originale, elle est introduite par des gazouillis d’oiseaux faits électroniquement. Cette musique semble venir d’une autre planète. Elle révèle un côté ‘hors du temps’ de la personnalité de François qui semblait toujours être ‘ailleurs’.


Selon toi, dans quels types de musiques ou de recherches sonores se serait lancé F2RBX s’il était encore vivant ?
Des recherches sonores, François en a fait toute sa vie. C’était son quotidien. Il venait de découvrir les possibilités du synthétiseur et s’amusait follement. L’envie qui le taraudait au moment de sa disparition, c’était la chanson. Il préparait un 45 tours avec une chanteuse inconnue, un LP avec une autre. Il souhaitait également produire son propre album en tant que chanteur. L’aspect recherche sonore était plus lié à son travail de musicien de film, il lui fallait un sujet pour enclencher le processus. Sa musique aurait donc subi l’influence des nouvelles rencontres qu’il aurait pu faire dans ce domaine.


Aurait-il continué dans des investigations électroniques ou plutôt serait-il “revenu” avec l’âge, voire une sorte de maturité à des recherches plus classiques ? Orchestre, ...
Il aurait bien sûr continué à utiliser l’électronique puis, certainement, l’ordinateur. Mais il avait besoin du contact avec les musiciens de studio en composant des partitions pour orchestre. Il suffit de revenir sur ce qui s’est passé à la fin du siècle dernier au cinéma pour imaginer la place qu’y aurait eu François, une place sans conteste prépondérante.


Quels sont tes musiciens de films préférés ?
En vrac : Bernard Herrmann (que François aimait beaucoup), Maurice Jaubert, Alfred Newman, Erich Wolfgang Korngold, John Barry, Alex North, Jerry Fielding, Philippe Sarde, Michel Legrand, Vladimir Cosma, Elmer Bernstein, Gabriel Yared, Jerry Goldsmith, John Williams, Ennio Morricone… et une centaine d’autres.


As-tu d'autres projets dans le domaine de la B.O. ? Livres, enquêtes, compilation...
Depuis longtemps, un projet de base de données sur la musique de film mondiale.


Es-tu musicien ?
Je suis accordéoniste et pianiste (plus guère praticant, hélas, faute de temps) et je compose depuis l’adolescence.