En
quoi consiste «exactement» ton projet de biographie sur
François de Roubaix ?
La finalité du projet est l’édition d’un livre
comprenant une continuité biographique à laquelle se mêle
une filmographie dans l’ordre chronologique. Ce livre sera augmenté
d’annexes présentant une discographie des vinyles, de rares
interviews de François, des photos sous-marines devant servir
au livre que préparait François et, enfin, un lien avec
le temps présent et la découverte de la musique de François
par une nouvelle génération, aussi bien de fans que de
musiciens, les rééditions de CDs, les sites Internet…
Depuis quand travailles-tu sur ce projet ?
Depuis 1995. Tout a vraiment commencé avec l’interview
de Jean Dewever en novembre (Jean Dewever est surtout connu pour avoir
réalisé 'Les oiseaux rares', feuilleton mythique de 1969
et le téléfilm 'Le ballot' en 1974. Il a fait un gros
coup cinématographique dans les années 50 en réalisant
un film provoc' sur la dernière guerre : 'Les honneurs de la
guerre', ce qui lui a valu des insultes et des bagarres à n'en
plus finir partout où il allait présenter son film).
Qu’est-ce-qui a déclenché ou motivé
ce travail ? La personnalité de F2RBX ou l’aspect particulier
de sa musique ?
Fan de De Roubaix depuis l’âge de 15 ans, je me suis constitué
une petite banque sonore de ses musiques. J’avais, bien sûr,
acquis les deux premiers volumes Barclay qu’avait réalisés
Jean-Pierre Pellissier. Ces disques ont représenté pour
moi un émerveillement permanent pendant de longues années.
Je relisais régulièrement les textes de Pascal Jardin,
Françoise Xenakis et de François lui-même. A l’écoute
de certaines musiques, je me posais des questions du style : «Mais
quel est ce trompettiste virtuose qui exécute la mélodie
de “L’homme orchestre” avec tant de brio ?».
Puis je suis devenu graphiste par hasard, au début des années
90 et, pendant un creux dans cette activité professionnelle,
je cherchais à m’occuper. J’avais déjà
posé les bases d’une banque de données sur la musique
de films mais la carrière et le destin de François me
préoccupait toujours autant. Et, d’un seul coup, il y a
eu un déclic : pourquoi ne pas faire un livre sur François
?
As-tu déjà écrit d’autres bio ou
livres ?
J’écris depuis l’adolescence des textes divers et
variés, teintés pour la plupart d’humour et de dérision.
Je commençais un roman toutes les semaines dont j’arrêtais
aussitôt l’écriture après deux pages. Ces
exercices ont eu au moins le mérite de m’aider à
peaufiner un style au cours des années. C’est donc la première
fois que je vais voir aboutir un long travail d’écriture.
Quand penses-tu terminer cette bio ?
J’ai terminé la rédaction de la version courte de
la biographie. Cette version est utilisée comme une présentation
de l’ouvrage auprès des éditeurs potentiels. J’entre
maintenant dans la phase d’écriture de la biographie intégrale.
J’écris assez vite mais il faut encore compléter
certains témoignages des amis et de la famille de François,
ce qui implique un planning d’interviews pour les mois qui viennent.
Si tout se passe bien, il serait possible de terminer pour la mi-2004.
Dans tous les cas, la date butoir pour l’édition de l’ouvrage
est novembre 2005.
Quelles sont tes sources et tes contacts ?
Le tout premier contact qui m’a permis d’approcher d’un
peu plus près l’univers De Roubaix, c’est Stéphane
Lerouge que je tiens à remercier encore une fois. J’ai
pu, grâce à lui, assister à plusieurs séances
de mastering, notamment pour le double CD EMI Odéon puis les
anthologies. J’ai ensuite commencé à contacter les
réalisateurs qui ont travaillé avec François et,
de fil en aiguille, j’ai pu rencontrer les parents de François,
puis sa soeur et ses proches.
Que pense la famille de Roubaix de ce projet ?
Ce travail est accueilli avec enthousiasme par Patricia et Benjamin
de Roubaix, les enfants de François. Patricia a déjà
fait beaucoup pour la réédition sur CD des principales
musiques de son père. Benjamin attend avec impatience la parution
d’une biographie puisque, jusqu’à présent,
les amis proches de François, toujours bloqués par l’émotion,
refusaient de le rencontrer. Les parents et la soeur de François
sont très heureux de l’existence d’un tel travail.
Intervient-elle dans l’écriture ou la conception
de la bio autrement qu’en apportant de la documentation ?
Pas d’intervention pour l’instant. Mais, comme me l’a
souligné Yves Josso (ami de François), il sera très
utile de faire relire cette biographie à quelques proches pour
éviter toute erreur se rapportant à François, sa
personnalité et son parcours.
Es-tu seul à travailler sur ce projet ?
Nous sommes actuellement deux sur ce projet. J’ai commencé
en 1995 et un autre fan du Nord, Laurent Dubois, avait lui aussi démarré
un projet sur François en 1998. Nous nous sommes rencontrés
en 2000 et avons décidé d’allier nos efforts.
A plusieurs, comment se répartit le travail ( recherche,
écriture...) ?
Le travail de recherche se fait conjointement. Laurent a toutes les
qualités d’un enquêteur puisqu’il retrouve
beaucoup de réalisateurs dont on avait perdu la trace. Il peut
ainsi obtenir des photos de tournage et, en général, une
copie VHS des œuvres qui nous intéressent. Il est également
en relation avec certains organismes pour lesquels François a
fait des musiques (SCMA, SNCF, PTT…). Pendant deux ans, il n’a
eu de cesse de ‘traquer’ les artistes qui ont collaboré
avec François. J’ai, de mon côté, fait des
recherches et rencontré plusieurs réalisateurs. J’ai
également ‘écrémé’ le web pour
recueillir des infos, ce qui m’a permis de trouver à San
Francisco une copie VHS d’un film rare et obscur, ‘Touch
me not’, dont la vedette est Lee Remick. De plus, j’ai l’immense
chance de pouvoir consulter, grâce à Patricia de Roubaix,
les archives photos et sonores du compositeur. J’ai pu ainsi constater
que la filmographie de François allait bien au-delà de
ce que nous connaissions déjà. Pour finir, je m’occupe
de la rédaction finale et de la maquette de l’ouvrage.
Peux-tu nous donner une idée de ce que sera le produit
fini (100, 200 ou 300 pages, type de bouquin, format,...) ou de ce que
tu souhaiterais obtenir ?
Dans l’idéal, nous aimerions produire un ouvrage d’environ
400 pages mêlant biographie, filmographie et annexes, sur un papier
permettant la reproduction de photos, dans un format approchant le A4
(21 x 29,7 cm). Un ouvrage ressemblant un peu aux productions des éditions
du 8e art (Chapeau melon, Amicalement vôtre…). La cerise
sur le gâteau serait d’y adjoindre un CD audio rempli de
maquettes, de musiques de courts-métrages, de quelques extraits
d’interviews…
As-tu des éditeurs en vue ?
Nous avons la possibilité de faire partie d’une collection
sur la musique de film co-financée par le Fonds d’action
Sacem, dans une version réduite présentant uniquement
la biographie sur 190 pages. Nous avons par ailleurs quelques contacts
pour un co-financement de l’ouvrage dans la forme que nous souhaitons.
Quelle audience penses-tu atteindre ?
D’abord deux générations de fans : la première
représentant ceux qui ont découvert François dans
les années 70, ce qui est mon cas ; la deuxième est composée
de fans plus jeunes qui ont connu la musique de François grâce
aux rééditions CD et aux sites Internet. Et puis, bien
sûr, beaucoup d’amis de François qui ne connaissent
qu’un aspect de sa vie et de son travail.
Cette bio sera-t-elle traduite dans d’autres langues ?
Nous espérons qu’il existera au moins une version anglaise
destinée, notamment, aux fans japonais qui vouent carrément
un culte à la musique du cinéma français des années
60 et 70.
Sur quels types de projets peut déboucher un travail
comme cette bio ? (films, documentaires, base historique...)
Cette bio pourrait essentiellement servir de base pour des documentaires,
par exemple. Mais l’ouvrage complet sera une source de documentation
sur une partie de la production cinématographique française
et mettra en relief, entre autres, l’importance du film institutionnel
avec les productions du Centaure et du SCMA (Service Cinéma du
Ministère de l’Agriculture).
As-tu possibilité de recevoir des aides du ministère
de la culture pour ce travail de compilation et d’archivage ?
Ce travail est plutôt lié à une partie du patrimoine
d’un éditeur de musique et des descendants de François.
Je ne pense pas que l’Etat puisse actuellement y participer, de
quelque manière que ce soit.
As-tu des sponsors (labels disques,...) ?
Aucun sponsor puisque ce projet n’est pas connu et que nous n’avons
fait aucune démarche en ce sens.
Existe-t-il d’autres projets sur FRBX (Emissions TV, radio,
films, documentaires...) ?
Il existe des projets de documentaires en gestation depuis quelques
années.
Si oui, es-tu en rapport avec les personnes qui travaillent
sur ces projets ?
Pas encore, mais cela ne saurait tarder.
Quand et comment as-tu découvert F2RBX ? Emissions TV
ou radio, films, disques...
Quand j’ai eu 11 ans, mon père m’a offert un mini-cassette.
Passée la période où l’on s’enregistre
les uns les autres pour rigoler un peu, le micro s’est dirigé
tout simplement vers le haut-parleur de la télé. J’enregistrais
quelques chansons du ‘Ring Parade’ (!) puis rapidement des
génériques de films et de séries télé.
Tout naturellement, les musiques de François ont été
captées, parmi d’autres.
Quels disques as-tu achetés ?
Mon premier disque de musiques de films, c’était le volume
1 Barclay des musiques de François. Le 2 et le 3 ont suivi. Quand
je suis revenu sur Paris au début des années 80, j’ai
pu acquérir quelques 45 tours. Mais j’ai vraiment commencé
à m’intéresser aux disques parus au moment où
j’ai décidé de commencer une biographie.
Quels étaient les disques disponibles et les sources
d’information ou de documentation sur de Roubaix à l’époque
?
Tous les disques étaient disponibles, à condition de courir
les conventions avec un portefeuille bien rempli. Je n’ai pas
énormément investi de ce côté-là.
Le seul 33 tours ‘rare’ que je possède, c’est
‘Tante Zita’. Quand aux documents, je connaissais l’existence
de l’interview accordée en mars 1975 à Jacques Guiod
pour le magazine ‘Ecran’, que je me suis procuré.
Et puis, il y a les films dont j’ai commencé à acheter
des copies VHS.
As-tu effectué des enregistrements sonores d’émissions
radio ou TV ? Lesquelles ?
Bien sûr. D’abord avec mon mini-cassette puis j’ai
acheté un magnétophone à bandes. Je me faisais
un planning d’enregistrement en me basant sur le programme télé.
On y trouvait généralement le nom du compositeur pour
la plupart des films diffusés. Quand ce n’était
pas le cas, je déclenchais le magnéto au hasard. J’ai
ainsi pu capter le générique d’un des épisodes
de la série ‘Les cinq dernières minutes’ :
‘Tarif de nuit’. De plus, ne travaillant pas la journée,
je suis tombé sur des trésors comme ‘La redevance
du fantôme’. Pour finir, un autre après-midi, j’ai
eu un grand pincement au cœur en voyant François bouger
devant mes yeux et jouer du claviharp au détour d’une courte
scène d’un film de Pierre Jallaud : ‘La chaise vide’.
Est-il
exact que F2RBX a composé des musiques pour des pubs ? Lesquelles
? Sont-elles intéressantes ou simplement anecdotiques ?
François a travaillé sur des films publicitaires tout
au long de sa vie. Cela représentait un challenge et un vrai
travail d’humilité puisque le montage final de la musique
était assuré par son vieux complice Bruno Zincone. Là-encore,
les idées thématiques foisonnent et François a
pu, également dans ce secteur, continuer à expérimenter
sa recherche de sons.
Ces musiques de pub seront-elles un jour éditées
sur CD ?
J’aimerais en faire connaître quelques-unes dans un CD bonus
lié au livre que nous préparons. Mais ces musiques pourraient
très bien faire partie d’une collection thématique.
Le volume 3 de F2RBX (premières parutions en 33t) compile
principalement des musiques de recherche ou des maquettes. L’aspect
électronique de ces musiques t’intéresse-t-il plus
que l’aspect plus classique de ses B.O. à base d’instruments
dits “traditionnels” ?
Le volume 3 contient, en fait, beaucoup de musiques liées à
des œuvres exploitées, notamment des moyens métrages
comme ‘Le cubisme’ et de larges extraits de la musique refusée
par Cousteau pour son film ‘L’antarctique’. Ce qui
m’intéresse le plus chez François, c’est son
écriture spécifique dont l’une des caractéristiques
est ce changement constant de tons. Dans l’ensemble, je suis plus
‘acoustique’ qu’’électronique’.
Mais François est l’un des très rares compositeurs
chez qui je tolère l’utilisation des sons synthétiques
car il les manie de manière merveilleuse. Il arrive à
insuffler une vraie émotion à cette technologie. La musique
de ‘Comment ça va j’m’en fous’, et surtout
la séquence de l’atelier, me donne à chaque fois
le frisson car, dans sa forme originale, elle est introduite par des
gazouillis d’oiseaux faits électroniquement. Cette musique
semble venir d’une autre planète. Elle révèle
un côté ‘hors du temps’ de la personnalité
de François qui semblait toujours être ‘ailleurs’.
Selon toi, dans quels types de musiques ou de recherches sonores
se serait lancé F2RBX s’il était encore vivant ?
Des recherches sonores, François en a fait toute sa vie. C’était
son quotidien. Il venait de découvrir les possibilités
du synthétiseur et s’amusait follement. L’envie qui
le taraudait au moment de sa disparition, c’était la chanson.
Il préparait un 45 tours avec une chanteuse inconnue, un LP avec
une autre. Il souhaitait également produire son propre album
en tant que chanteur. L’aspect recherche sonore était plus
lié à son travail de musicien de film, il lui fallait
un sujet pour enclencher le processus. Sa musique aurait donc subi l’influence
des nouvelles rencontres qu’il aurait pu faire dans ce domaine.
Aurait-il continué dans des investigations électroniques
ou plutôt serait-il “revenu” avec l’âge,
voire une sorte de maturité à des recherches plus classiques
? Orchestre, ...
Il aurait bien sûr continué à utiliser l’électronique
puis, certainement, l’ordinateur. Mais il avait besoin du contact
avec les musiciens de studio en composant des partitions pour orchestre.
Il suffit de revenir sur ce qui s’est passé à la
fin du siècle dernier au cinéma pour imaginer la place
qu’y aurait eu François, une place sans conteste prépondérante.
Quels sont tes musiciens de films préférés
?
En vrac : Bernard Herrmann (que François aimait beaucoup), Maurice
Jaubert, Alfred Newman, Erich Wolfgang Korngold, John Barry, Alex North,
Jerry Fielding, Philippe Sarde, Michel Legrand, Vladimir Cosma, Elmer
Bernstein, Gabriel Yared, Jerry Goldsmith, John Williams, Ennio Morricone…
et une centaine d’autres.
As-tu d'autres projets dans le domaine de la B.O. ? Livres,
enquêtes, compilation...
Depuis longtemps, un projet de base de données sur la musique
de film mondiale.
Es-tu musicien ?
Je suis accordéoniste et pianiste (plus guère praticant,
hélas, faute de temps) et je compose depuis l’adolescence.